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23 janvier 2012

VIEILLIR, adapté d’un texte de Bernard Pivot

Pivot dit :
Vieillir, c’est chiant. J’aurais pu dire : vieillir, c’est désolant, c’est insupportable, c’est douloureux, c’est horrible, c’est déprimant, c’est mortel.
Mais j’ai préféré « Chiant » parce que c’est un adjectif vigoureux qui ne fait pas triste.
Vieillir, c’est chiant parce qu’on ne sait pas quand ça a commencé et l’on sait encore moins quand ça finira.
Non, ce n’est pas vrai qu’on vieillit dès notre naissance.
On a été longtemps si frais, si jeune, si appétissant. On était bien dans sa peau. On se sentait conquérant. Invulnérable. La vie devant soi.
Même à cinquante ans, c’était encore très bien.
Même à soixante. Si, si, je vous assure, j’étais encore plein de muscles, de projets, de désirs, de flamme. Je le suis toujours, mais voilà, entre-temps …
J’ai vu le regard des jeunes, des hommes et des femmes dans la force de l’âge qu’ils ne me considéraient plus comme un des leurs, même apparenté, même à la marge.
Un jour, dans le métro, c’était la première fois, une jeune fille s’est levée pour me donner sa place.
Bernard Pivot dit :
« J’ai failli la gifler. Puis la priant de se rasseoir, je lui ai demandé si je faisais vraiment vieux, si je lui étais apparu fatigué.
« Non, non, pas du tout, a-t-elle répondu, embarrassée. J’ai pensé que… »
Moi aussitôt : «Vous pensiez que…?
Je pensais, je ne sais pas, je ne sais plus, que ça vous ferait plaisir de vous asseoir. 
Parce que j’ai les cheveux blancs?
Non, ce n’est pas ça, je vous ai vu debout et comme vous êtes plus âgé que moi, c’a été un réflexe, je me suis levée…
Je parais beaucoup, beaucoup plus âgé que vous?
Non, oui, enfin un peu, mais ce n’est pas une question d’âge…
Une question de quoi, alors?
Je ne sais pas, une question de politesse, enfin je crois…»
J’ai arrêté de la taquiner, je l’ai remerciée de son geste généreux et l’ai accompagnée à la station où elle descendait pour lui offrir un verre. »

Moi, Marc, ça m’est arrivé. Mais j'ai regardé la dame avec un petit sourire de tristesse et la remerciant je me suis assis à sa place en me considérant dans la vitre du wagon.

Lutter contre le vieillissement c’est, dans la mesure du possible, ne renoncer à rien.
Ni au travail, ni aux voyages, ni aux spectacles, ni aux livres, ni à la gourmandise, ni à l’amour, ni à la sexualité, ni au rêve.
Rêver, c’est se souvenir tant qu’à faire, des heures exquises.
C’est penser aux jolis rendez-vous qui nous attendent encore.
C’est laisser son esprit vagabonder entre le désir et l’utopie.
La musique est un puissant excitant du rêve.
La musique est une drogue douce.
J’aimerais mourir, dit B Pivot, rêveur, dans un fauteuil en écoutant soit l’adagio du Concerto no 23 en la majeur de Mozart, soit, du même, l’andante de son Concerto no 21 en ut majeur, musiques au bout desquelles se révéleront à mes yeux pas même étonnés les paysages sublimes de l’au-delà.

Moi Marc, j’aimerais ne pas me réveiller, je suis tellement bien quand je m’endors que j’imagine que c’est déjà le paradis.

Mais Mozart et Pivot ainsi que moi ne sommes pas pressés. Nous allons prendre notre temps. Avec l’âge le temps passe, soit trop vite, soit trop lentement. Nous ignorons à combien se monte encore notre capital. En années ? En mois ? En jours ? Non, il ne faut pas considérer le temps qui nous reste comme un capital.
Mais comme un usufruit dont, tant que nous en sommes capables, il faut jouir sans modération. Après nous, le déluge ? Non, Mozart.

Les textes de Marc : clic

2 commentaires:

Viel a dit…

Elle est charmante, gentille , attentive la jeune fille qui s'est levée. De plus ce n'est pas un cas isolé, ily en a d'autres comme elle. Bravo ! je l'applaudis.
Comme toi je préfèrerais ne pas me réveiller même si j'aprécie Mozart.

Anonyme a dit…

Au delà d'un "certain seuil " , il faut entrer en " incubation ataraxique "...

Bonjour marc

maurice

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